lundi 25 février 2008

LE PAGANISME POSITIF (ROBERT DUN)

Le paganisme est une mystique d'émerveillement. Le païen pose sur l'objet un regard d'amour joyeux et interrogateur: il aime et veut savoir, comprendre, s'identifier. Le procédé bouddhiste d'identification à l'objet lui est presque naturel. Son langage spontané est animiste, comme celui des enfants. Les païens peuvent dire avec le prophète d'une religion devenue composite : « Si vous ne redevenez semblables à ces enftans, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux ». C'est pourquoi leur mode d'espression religieuse est le mythe et non le dogme.

Un important Vers d'Or de Pythagore pose l'attitude religieuse européenne: « Prends confiance, toi qui sais que la race des hommes est divine et que la nature qacrée lui révèle ouvertement toutes choses ». La révélation de la nature sacrée est dans les mathématiques, la physique, la biologie, la psychanalyse, l'identification à l'objet. Aucun conflit possible entre foi et raison, entre science et religion puisque les sciences sont la révélation. Que de folies et de tragédies d'éviter si les Pythagoriciens avaient pris le dessus sur les fanatiques venus d'orient pour le malheur de l'Empire!

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas: je sais que les Pythagoriciens ont commis certaines erreurs. C'est pourquoi je tiens à examiner leur idée fondamentale d'un monde donné par l'espace, le temps et le nombre.

Exister dans l'espace est bien une condition de la concrétion: aucun objetne peut exister, sauf à le faire selon trois dimensions, si minimes puissent-elles être; une feuille de cigarette cesse d'exister si son épaisseur disparaît complétement. Ces trois dimensions dans l'espace sont nécessaires mais non suffisantes à la concrétion: il faut aussi à l'objet une durée, une dimension dans le temps. Jusque-là la théorie pythagoricienne est juste.

Mais reste le problème du nombre. De nombrueses structures, la majorité sans doute, échappent à une expression numérique. C'est le cas du rapport entre le rayon et la circonférence, la raison de nombreuses ellipses; c'est aussi le cas du nombre d'or qui a à la fois une définition géométrique (rapport du côté du pentagone au côté de l'étoile à cinq branches inscrite dans le même cercle) et une définition arithmétique (rapport de deux consécutifs dans une série de Fibonacci, autrement dit une série de type a+b=c, b+c=d, c+d=e etc). Ce nombre est numériquement proche de 1,618 mais est irrationnel, comme pi (3,14159...) et bien d'autres.

Aussi serait-il plus juste, au lieu de dire le monde donné par l'espace, le temps et le nombre, de le dire donné par l'espace, le temps et le rapport. Mais cette précision apportée, la vision pythagoricienne reste fondamentale non seulement à l'appréhension « paienne » du monde mais aussi au fonctionnement de l'esprit humain.

Parmis les lois de la nature qui ont pour nous valeur de révélation, j'ai évoquéla biologie. Monsieur B-H Lévy ne manquera sans doute pas de pousser les hauts-cris, de montrer les duretés des lois de la vie, de prétendre que de telles lois ne peuvent être divines, d'invoquer son cher « tu ne tueras point ». Oui, la vie est meurtre permanent. Il n'y a qu'une manière de ne plus tuer: c'est de se suicider. Chaque minute, nos brutes de globules blancs dévorent des milliers d'innocents microbes. Il faut fusiller tous les globules blancs comme fascites. Le végétal dévore le minéral, l'animal herbivore le végétal, le carnivore dévore l'herbivore et l'homme tout, avant d'être lui-même bouffé par les vers. C'est peut-être cela que B-H Lévy ressent comme « l'horreur de la nature » mais c'est cette « horreur » qui est le ressort du tropisme universel, tropisme que Nietzsche a réduit à essence par sa célèbre phrase : « Tout au monde est volonté de puissance et rien hormis cela et toi aussi, mon frère, tu es volonté de puissance et rien hormis cela ». Toi aussi mon frère? Y aurait-il une fraternité possible dans ce monde de dévorants? Eh oui! Une heureuse, une vibrante fraternité qui ne se limite pas à nos proches et semblables mais englobe le tout, le grand Pan.

L'antiquité appelait cette fraternité, cette perception d'appartenance universelle le dionysisme; ce lien relativisait les destinées individuelles et leur dureté; il était religion au sens le plus réel du terme et c'est depuis que nous l'avons perdu que B-H Lévy et ses semblables se sentent prisonniers de « l'horreur de la nature ». Mais aucune révélation, aucune loi du Sanaï, aucune non-violence, aucun pharisianisme de la lettre contre l'esprit ne les arrachera à cette « horreur » à laquelle mê^me la mort ne leur permet pas d'échapper. Je rappelle ici que dans le « testament de Dieu » B-H Lévy affirme que la lettre est plus que l'esprit. Il n'est pas le seul à penser ainsi, témoin ces bouddhistes lamaïstes qui ont installé des bouchers musulmans dans Lhassa pour pouvoir manger de la viande sans tuer. Je m'adresse directement à vous, B-H Lévy: oserez-vous soutenir que vous pouvez vous duper avec de pareilles comédies? Alors que voulez-vous dire en prétendant que la lettre est au-dessus de l'esprit? C'est un point sur lequel je reviendrai.

Remarquons en passant que cette société qui se veut aussi peu violente que possible, viole la vie animale au-delà de l'imaginable d'il y a seulement 60 ans: l'élevage en batterie, la ponte ponte accélérée par hormones, la fécondation artificielle (sans égards envers les différences de dimensions corporelles entre la race du mâle donneur de semence et la race de la femelle porteuse) sont des monstruosités. Lanza del Vasto avait raison de dire : « Comme vous traitez les animaux, ainsi un jour vous traiterez les hommes ». La fécondation artificielle, les mères porteuses et les manipulations génétiques lui donnent déjà raison.

Oui, la nature est dure et elle a ses raisons. A chaque éjaculation, un homme libère de cinq cent mille à million de spermatozoïdes; il doit donc s'en trouver à peine un sur cent millions en moyenne qui atteint son but, la fusion avec l'ovule et donne un oeuf. Mais c'est grâce à cette apparente dureé qu'il est donné à chacun de ne se reproduire que parce qu'il porte en lui de plus vigoureux. Sans cette « « dureté », nous serions depuis longtemps tombés au niveau des cloportes et disparus de la planète.

L'essence de l'univers, la volonté de puissance, nous pousse à deux activités fondamentales: manger donc tuer pour nous entretenir et nous développer; nous reproduire donc nous sacrifier. Nous sacrifier? Mais oui: la femelle appauvrit son organisme pendant la grossesse et l'allaitement; ceci reste vrai même si cette fonction lui vaut un épanouissement supplémentaire par la suite ou de mystérieuse protections contre la maladie, la tuberculose notamment, pendant la grossesse et le mystère ne sera pas moins grand le jour où la science aura décortiqué les mécanismes de cette protection. Par le sperme, le mâle perd les substances extrêmement précieuses; c'est pourquoi les abus sexuels lui valent toutes sortes de maladies. Nous vîmes récemment à la télévision une émission du Commandant Cousteau sur la reproduction des calamars. Ceux-ci copulent jusqu'à l'épuisement mortel dans un féerique ballet d'évolutions gracieuses. L 'orgasme plonge aussi les humains dans un état de volupté proche de la mort, en même temps qu'il efface la crainte de la mort car... tout est accompli!



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